Sweet darkness
Nos différences font notre force
Leur rencontre artistique a été déterminante. A l’apogée de leur art, Anne-Charlotte Joguet et Hélène Kolessnikow forment Sweet Darkness, un duo époustouflant de force et de grâce, d’élégance et d’audace. Elles le clament à l’unisson : « Nous n’en serions pas arrivées là si nous avions poursuivi nos carrières en solo ». Portraits croisés de deux caractères diamétralement opposés qui se complètent dans une harmonie parfaite…
L’amour de la danse a façonné vos vies !
H.K. : J’ai quitté le Sud de la France pour me consacrer à la danse classique, au modern jazz et au cabaret car c’est là que je pouvais trouver des engagements. Après, je me suis formée à l’aérien sur Paris car on sait bien que c’est là où toutes les opportunités se présentent !
A.C.J. : Et moi, la Côte d’Opale ! J’ai commencé par du classique, du modern jazz, de la danse contemporaine et du hip hop. Quand j’ai été engagée à l’issue d’une audition pour intégrer des spectacles musicaux pour enfants, je me suis retrouvée avec des circassiens. Là, j’ai eu la révélation et je suis montée à Paris, comme on dit.
Vos familles vous ont encouragées ?
H.K. : Oui, tout de suite. Avec un père qui enseigne les sciences économiques et une mère prof des écoles, ça peut paraître surprenant. En fait, plus jeune, je souffrais d’un trouble du comportement alimentaire. J’étais attirée par la danse mais pour danser, il faut prendre des forces, et donc manger ! Mes parents ont tout de suite compris qu’un cursus sports-études me permettrait de prendre confiance en moi, de m’épanouir… Et de vaincre mon anorexie. Ils ont eu raison, cette discipline m’a beaucoup aidée. Après un an à la fac en langues étrangères, parallèlement à la danse, j’ai dû faire un choix… accepté par ma famille.
A.C.J. : Ah ! Non. Pas du tout. J’ai surtout été encouragée à passer mon bac S et à poursuivre des études supérieures ! Ma mère, kiné, désirait que j’aie un VRAI métier. Elle était persuadée qu’il ne fallait pas confondre passion et profession ! Mon père, moniteur d’équitation, devait partager cet avis. C’est pour cela que j’ai continué à la fac mes cours de géologie et de géographie en même temps que la danse au Studio 59 à Lille dans l’école de Frédéric Loffredo.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
H.K. :C’était à Andrésy où on prenait des cours avec Florence Delalaye. On ne s’est pas choisies ! On n’était pas meilleures amies, comme on pourrait le croire. On a appris à se connaître, cela a été un long processus. En fait, un producteur nous avait vues séparément dans nos numéros respectifs dans un gymnase où on s’entraînait ; il nous a soufflé l’idée de travailler ensemble et de former un duo. Notre premier numéro en tandem a été chorégraphié par nos coachs.
A.C.J. : J’ai vécu en Asie ; à Macao, j’ai appris l’aérien sur le tas. Revenue à Paris en 2017, j’ai travaillé avec cette coach et c’est là que j’ai croisé Hélène. Quelques années plus tard, on s’est entraînées sous le chapiteau du cirque Italo Medini (où on a fait la connaissance des Mangeurs de lapin avec lesquels nous sommes devenues amies). Au fil des années, Hélène et moi, on est devenues hyper soudées.
Vous semblez très différentes !
A.C.J. et H.K. : Ouiiiii ! (éclats de rire).
H.K. : Nous avons TOUT de différent !
A.C.J. : Je viens du Pas-de-Calais et Hélène de Juan-les-pins. Moi, je suis extravertie, speed et rentre-dedans. Hélène est discrète, timide, et plus lente ; elle a besoin d’être rassurée. Nous avons des énergies différentes. Cela nous a d’ailleurs joué des tours dans la manière de travailler ensemble et de nous synchroniser au tissu… Cela m’a incitée à me poser un peu et Hélène s’est davantage dynamisée. Aujourd’hui, nos différences font notre force.
Vos familles doivent être fières désormais !
A.C.J. : Oui, elles voient que nous nous en sortons. A l’époque, je ne saisissais pas pourquoi mes parents étaient si réticents et maintenant, je ne peux que comprendre ; ils s’inquiétaient pour mon avenir !
H.K. : Bien sûr, mais contrairement à ma mère, mon père ne viendra jamais m’applaudir en live. Il a trop peur pour nous ! Il se contente de regarder les vidéos, les reportages ou les émissions enregistrées parce qu’il est certain que le numéro s’est bien déroulé. Il me dit souvent : « Je préférais quand tu dansais ! ». Mais je ne désespère pas de le voir au Cirque d’Hiver… Ce serait une première !
Vous évoluez dans les airs, c’est dangereux… Il ne faut pas avoir le vertige !
H.K. : Certes, nous ne devons pas être loin des 10 mètres au Cirque d’Hiver et il a pu nous arriver de nous produire à 20 mètres, notamment en Russie. Là, c’est une autre histoire. Il faut adapter le numéro. Dans la vie normale, j’ai très peur de la hauteur mais monter à une échelle est l’une des rares choses dont je me sens capable !
A.C.J. : Moi, j’adore les manèges à sensations… mais grimper sur une échelle me met très mal à l’aise.
Il en faut des qualités pour atteindre ce niveau d’excellence !
A.C.J. : La détermination, la persévérance, la patience aussi pour atteindre la qualité que nous nous sommes fixée… Par exemple, les petites transitions au sol durent à peine 5 secondes, le public n’y prête pas attention, mais on peut passer des mois pour les régler ! Ensuite, il y a l’entraînement quotidien : prépa physique aux agrès, cardio, abdos, jambes et bras…
H.K. : Cela équivaut aux exercices à la barre pour une danseuse. Il y a beaucoup d’aspects à considérer : les éléments techniques, l’artistique, la choré, et en plus, s’il y a un event, il faut se pencher sur l’adaptation de notre numéro au lieu où nous allons nous produire.
Vous, les artistes, avez beaucoup de similitudes avec les athlètes que l’on vient d’admirer aux JO !
A.C.J. :A ceci près que, nous, nous n’avons aucun encadrement, aucune équipe derrière nous. Mais, comme eux, certainement, on en a bavé. Nous n’en serions pas arrivées là si nous avions poursuivi nos carrières en solo.
H.K. : Aucun staff ne nous suit. Nous sommes toutes seules ! La rigueur, ce n’est pas une qualité ou une discipline, c’est devenu un mode vie !
Alors, pour garder la forme, pas de fiestas, pas d’écarts ?
A.C.J. : Moi, j’aime bien faire la fête tout de même. On ne s’interdit pas un verre, une sortie, quelques carrés de chocolat ! Quant aux excès, c’est non car on les paie très cher. Et puis, nous redoutons les blessures, nous prenons soin de notre corps. Parfois, c’est lui qui nous dit stop ! On peut rester 1 jour ou 2 sans rien faire, mais 3 semaines, c’est impossible. Il ne faut surtout pas culpabiliser quand on est off. En fait, on s’autocoache toutes deux !
H.K. : Moi, je suis moins fêtarde. J’aime bien rester à la maison devant un bon film avec… un petit punch !
Être engagées au Cirque d’Hiver, ça le fait, non ?
H.K. et A.C.J. : (en chœur) : Carrément !
H.K. :On adore, on va chaque année voir leur spectacle. C’est LE lieu où on rêve d’être un jour mais sur la piste !
A.C.J. : Avant, on travaillait sans vraiment se fixer d’objectifs. Attention, se produire au Cirque d’Hiver ne signifie pas que tout est acquis.
Comme les sportifs de haut niveau, vous espérez des trophées ?
A.C.J. : La réaction des spectateurs a toujours été notre moteur, notre fierté. De toutes les récompenses qui existent, la plus chère à nos yeux, c’est le Prix du Public qui nous a été décerné au Festival international Les Feux de la rampe (ainsi qu’une médaille de bronze).