Dominic Baird-Smith
À13 ans, on m’avait surnommé « le Charlot des courts de tennis » !
Lui, c’est le grand escogriffe aux allures british. C’est aussi un jongleur de… raquettes hors pair. Promis à un bel avenir dans le tennis, Dominic Baird-Smith a choisi de devenir… un Mangeur de lapin. Faisons plus ample connaissance avec ce « personnage » qu’on dirait tout droit sorti d’un film de Charlie Chaplin ou de Jacques Tati, ses idoles !
Avec les deux autres larrons des Mangeurs de lapin, vous formez un trio inénarrable !
Oui, quelle alchimie entre nous trois ! Cela fonctionne grâce au mélange des trois disciplines (cirque, théâtre et music-hall) qu’on a créé il y a une douzaine d’années. C’est aussi et surtout l’histoire d’une rencontre avec Jean-Phi et Sigrid. On vient d’univers très différents et, pourtant, en quelques secondes, on tombe d’accord sur une idée. Ça matche tout de suite. Dans un climat de bienveillance qui n’existe qu’au cirque, je crois. Mais allez savoir pourquoi, cette entente parfaite se termine toujours en baston… sur la piste. Ça doit être une thérapie (rires) !
Vous êtes le dernier arrivé de la bande.
En fait, au départ, les Mangeurs de lapin, c’était un duo formé par Sigrid et Jean-Phi qui avaient des spectacles. De mon côté, j’avais des reprises de clown. J’avais travaillé avec Francesco, un clown traditionnel, et je m’entraînais avec son fils chez Italo Medini. J’étais purement jongleur mais un déclic s’est produit : j’ai vrillé dans la comédie quand ce clown m’a offert cette reprise assez connue des boulets -un faux boulet et deux vrais- en me disant : « Fais-en ce que tu veux ! ». De là, est né ce personnage écossais que j’ai créé.
Et pourquoi écossais ?
Figurez-vous que je suis gâté : ma mère est corse et mon père écossais. Je porte un kilt et je joue de la cornemuse qui appartenait à mon père ; il me l’a léguée. Mais ne vous emballez pas, je suis loin d’être bilingue ! Mon père voulait tellement s’intégrer qu’il ne s’adressait presque jamais à nous en anglais à la maison. Alors, à cause de mon franglais, je me suis souvent fait charrier à l’école car avec un nom pareil, on s’attend à un certain niveau, forcément !
Enfant, vous visiez un métier « normal » ?
J’ai suivi un cursus sport-études, et une carrière de tennisman semblait bien partie ; j’avais une bonne technique mais je n’avais pas l’esprit de compétition, je cherchais avant tout à faire rire mon adversaire… Alors, pour remporter des tournois, c’est moyen… Je déconnais tellement que l’on m’a vite surnommé « le Charlot des courts ».
Alors, faire rire les autres était l’autre option ?
Oui, car j’avais pris une certaine confiance en moi puisque, très jeune, j’ai eu un public acquis à ma cause !
Comment ça ?
Je suis le 9e d’une famille de 10 enfants. Ma mère était débordée et j’étais un peu livré à moi-même. On avait une télé avec un magnétoscope avec QUE des œuvres de Chaplin à visionner, alors je me suis nourri de ça dès l’âge de 3 ans en regardant ses courts-métrages ; les films, je les ai vus bien après. Je reproduisais les gags qui s’enchaînaient ! Mes sœurs, ça les faisait marrer. C’est la fratrie qui m’a confortée dans mes choix !
Votre bonne étoile veille…
A 14 ans, je me retrouve un peu « à la rue », comme on dit. Et puis, je fais une rencontre improbable. Un clown, à la tête d’une assoc, me propose d’assister à une réunion d’artistes. Je m’attendais à une assemblée de clowns en blanc qui allaient raconter des blagues. Mais ce monsieur, que je tiens à citer, Gaël Massot, a été formé aux arts du cirque avec Annie Fratellini. Avec lui, j’ai pu suivre une formation de clown traditionnel. Et j’ai pu intégrer son école du Cirque Nomade. Et là, j’ai appris à tout faire : monocycle, tous les agrès du cirque… Ensuite, on peut choisir une spécialité. Je me suis dit que les jongleurs avec des massues étaient nombreux, alors j’ai pensé à la raquette. J’avais vu Parade de Jacques Tati, alors, forcément… Je voulais absolument mettre de la comédie dans ce numéro. Mon maître de jonglage, Italo Medini, LA référence en la matière, a été formidable mais pas facile à dérider. Je tentais tous mes trucs comiques, mais il ne rigolait jamais ! Quand, au bout de deux ans, j’ai vu se dessiner un léger rictus sur son visage, je me suis dit : ça y est, je le tiens mon effet comique !
Vous avez dit adieu sans regret à Roland-Garros ?
Pas du tout ! C’était mon rêve de gosse, et je l’ai réalisé. Quand mon numéro de jonglage de raquettes a été fin prêt, j’ai rappelé tous les entraîneurs et l’un d’eux m’a proposé d’animer le Tournoi, ce que j’ai fait pendant 7 ans… J’étais aux anges. D’accord, je n’ai pas été sacré champion, mais j’ai évolué sur le court central mythique en tant que jongleur. Et me voilà, nous voilà, au Cirque d’Hiver ! C’est comme Roland-Garros : un rêve éveillé. Une consécration !